Comment a évolué votre scierie en trois générations ?
Nous fêterons bientôt nos 70 ans et le métier de scieur a complètement changé, encore plus ces 10 dernières années. Nous étions les petits paysans de la forêt et nous sommes en train de nous transformer en industriels dans le bon sens du terme. Le marché nous le demande et les évolutions techniques nous le permettent aujourd’hui. Nous n’avons plus rien à voir avec la scierie de l’époque de mon grand-père.
Quelle est la spécialité de la scierie Lemaire ?
Le bois de charpente de structure pour la construction, avec également le bois d’emballage et de coffrage pour les tombants de sous qualité de bois de charpente. Et nouvellement, notre nouveau site de production implanté à la Petite-Raon nous permet de nous spécialiser des les petits et moyens bois. Nous utilisons pour cela une technologie unique en Europe. Notre outil est ultra-innovant et moderne.
Quelles sont les valeurs que vous défendez dans votre entreprise ?
L’innovation. On souhaite toujours moderniser notre outil, voir ce qui se fait dans d’autres secteurs industriels pour essayer de l’adapter chez nous. La famille aussi. Nous sommes une entreprise familiale dont les collaborateurs font partie. C’est une valeur primordiale. L’écologie et le respect de l’environnement font partie de notre ADN. Nous souhaitons valoriser ce que la nature nous offre par la forêt. Le matériau bois est précieux.
En tant que chef d’entreprise, mon objectif premier est de participer à la transition écologique et aux changements du monde. Grâce aux bois, nous pouvons remplacer les énergies fossiles et les constructions qui émettent du carbone. Notre matériau, le bois, stocke et séquestre le CO2. Je veux contribuer au changement du monde.
Au-delà, j’ai envie de pérenniser une histoire familiale pour, peut-être, une future quatrième génération plus tard.
C’est quoi être scieur en 2022 ?
On a énormément de travail à faire pour casser les stéréotypes autour des métiers du bois. Certains visualisent encore le scieur avec sa chemise canadienne et sa hache sur l’épaule. Nous sommes pourtant très loin de ce cliché. Nous sommes une industrie et nous fonctionnons comme dans d’autres secteurs industriels. Nous essayons de communiquer beaucoup plus en bougeant les codes et en prouvant que le métier évolue. Sans pour autant oublier d’où l’on vient et on garde cette fierté liée à l’image du bûcheron. C’est néanmoins une image qu’il faut changer dans notre métier car elle a évolué.
En quoi êtes-vous innovant ?
Nous sommes innovants sur deux points. On nous parle beaucoup du RSE dans l’actualité, mais en réalité le métier du scieur c’est du RSE en permanence. C’est du sens pratique que l’on utilise depuis toujours, comme la replantation ou encore le fait d’émettre un minimum et de gérer l’énergie que l’on consomme au mieux.
Mais aussi, nous sommes innovants par le biais du matériel utilisé, grâce à l’intelligence artificielle et aux algorithmes que l’on peut créer. Ils calculent exactement la consistance du bois afin de maximiser le rendement et de valoriser au mieux ce que nous offre la forêt. Nous le faisons avec des ingénieurs et un staff technique qualifié. Le but est de gaspiller quasiment zéro de la matière première parce que dans une scierie nous devons valoriser 100% de ce que la forêt nous offre.
Cette nouvelle technologie est utilisée sur le site de la Petite-Raon. Nous avons un concept de scierie avant-gardiste avec des machines qui communiquent entre elles grâce à l’intelligence artificielle.
Le bois est-il un matériau d’avenir ?
Il y a eu l’ère du métal avec la tour Eiffel, l’ère du béton avec la génération précédente et notre génération est, sans conteste, celle de l’ère du bois. On ne l’a pas choisi, c’est scientifique et chimique, le bois stocke du carbone et notre plus grosse problématique aujourd’hui c’est les émissions de CO2. On a de la chance dans notre métier car le matériau bois stocke du carbone et il nous sert à faire des constructions bois.
Comment définiriez-vous votre équipe ?
L’équipe est riche du fait de la pyramide des âges. Des nouveaux collaborateurs nous ont rejoint ces dernières années et d’autres qui ont connu la première génération, celle de mon grand-père, sont encore là. Il y a donc un échange d’expériences qui est fort. Il existe un lien que l’on peut qualifier de familial dans l’équipe.
Surtout, nous avons la chance d’avoir ce matériau de bois qui est une voie de passion, travailler du bois ce n’est pas anodin, c’est vivant, c’est noble. En tant que Vosgien, nous savons ce que représente la forêt, le sapin, ça donne du sens et de la passion à notre métier.